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[Methodologie] Tests d'alimentations
Mesures & Tests : côté réseau électrique

Maintenant que nous avons vu le fonctionnement sommaire d’une alimentation à découpage, passons aux tests. Dans ces pages, nous allons détailler les différentes mesures effectuées sur les blocs d’alimentation et expliquer la pertinence de ces choix. En effet, comme pour tout appareil électrique, il est possible d’effectuer des centaines, voir des milliers de tests différents. Un choix des critères les plus importants à tester s’avère alors indispensable. Dans le même temps, nous détaillerons également le matériel utilisé pour ces tests, et plus particulièrement celui que nous avons conçu spécialement pour l’occasion. La précision reste le maître-mot.

  • Petits rappels d'electricité

Commençons par les mesures côté réseau électrique, c'est à dire à la prise murale qui délivre la tension du secteur. Comme vous le savez déjà, la tension délivrée par EDF sur son réseau domestique est de 230 Volts à une fréquence de 50 Hz. Parlons maintenant de la puissance. Pour cela, un petit rappel des cours d’électricité s’impose. Avec du courant continu, la puissance est simple à calculer : il suffit de multiplier la tension (en Volts) par le courant (en Ampère), pour obtenir une puissance (en Watts). C’est la formule miracle P = U x I. Avec du courant alternatif comme celui du secteur, c’est plus compliqué car il existe plusieurs notions de puissance.

  • Puissance active (P) : La puissance active se calcule de la manière suivante : P (Watts) = U (tension) x I (courant) x cos(φ) (facteur de puissance). Vous l’aurez compris, le principal changement vient de la notion de « facteur de puissance » (PF en anglais) que nous allons expliquer brièvement. La tension délivrée par le secteur est une sinusoïde quasiment parfaite. Dans le cas d’une charge purement résistive, comme une ampoule électrique classique, la forme du courant consommé se superpose à celui de la tension. Les deux (courant et tension) sont donc « en phase » et Cos(φ) vaut 1. Toutefois, dans le cas d’une alimentation à découpage, le courant consommé est en décalage temporel avec la tension. Si l’on superpose les deux signaux, on s’aperçoit que l’un est en avance (ou en retard) par rapport à l’autre : c’est le déphasage (φ).

    Résumé : la puissance active, exprimée en Watts, est la puissance réellement consommée, celle qui a été convertie en un travail effectif.

  • Puissance apparente (S) : Cette notion de « puissance apparente », nettement moins connue, est le produit simple du courant et du courant. S = U * I. On néglige ici le facteur de puissance et on obtient une valeur exprimée en Voltampère qui indique le courant appelé sur le réseau électrique. En effet, en régime alternatif, il est tout a fait possible d’appeler une puissance de 200 VA et de ne consommer que 100 Watts…. Pour peu que le cos(phi) valle 0.5. Vous suivez ?

    Résumé : la puissance apparente, exprimée en VA, est la puissance requise par une charge électrique, vu du réseau. Cette puissance ne sera pas forcément consommée, mais sert à dimensionner correctement des appareils électriques comme les onduleurs ou les disjoncteurs.

Je vous fait grace de la puissance réactive (Q), qui correspond, en gros, à la puissance non utilisée qui résulte d'un facteur de puissance différent de 1. Disons que Q = S - P et s'exprime en VAR (Voltampère réactif). Oui, les puristes vont hurler.

  • Power Factor

Vous avez surement déjà entendu parler d’alimentation « PFC » active ou passive. PFC signifie « Power Factor Correction » en anglais, soit « correction du facteur de puissance » en Français. Comme nous venons de le voir, le facteur de puissance (PF) est la différence entre la puissance active et la puissance apparente. Pas clair ? Un exemple s’impose.

Ah ! Tant que j’y pense, c’est le moment parfait pour crâner un peu avec notre matos :

Pour ces tests, nous avons donc utilisé un oscilloscope Tektronix TDS1012B (100 MHz / 2 voies), réputé pour sa fiabilité (et qui a le bon gout de disposer d'une prise USB en façade pour sauvegarder les mesures et faire des captures d'écrans) ainsi qu'une sonde différentielle MX 9000 d’ITT Pomona, connue pour résister aux outrages d'apprentis électroniciens dans les lycées. Pour mesurer les courants, nous avons opté pour une sonde de courant trés haut de gamme de Tektronix associée à un amplificateur du même constructeur :

Il s'agit d'un modèle Tektronix A6302 et d'un amplificateur dédié AM503B. Ce matériel nous permet de mesurer des courants compris entre 100 µA (0.0001 A) et 20 A avec des pointes à 50A. La plage de fréquence du courant mesuré va de 0 Hz (courant continu) à 50 MHz. La tout est calibré régulièrement. Tant que nous sommes dans le déballage de matériel, poursuivons avec les deux multimètres de haute précision que nous utilisons :

Le premier est un Keithley 2000, l'une des références mondiales pour les mesures de précision. Il est par exemple capable de mesurer des variations de 100 µV (soit 0.0001 Volts) dans une tension de 100 V grâce à une résolution impressionnante de 6.5 chiffres. Le second est un Fluke 287, issu de la gamme 2007 du célèbre fabricant d'appareils de mesures professionnels, presque aussi précis que le Keithley, mais qui présente l'avantage d'être portatif et de pouvoir mesurer des capacités (condensateurs).

Mais revenons à notre Power Factor. Grâce à ce matériel, nous pouvons afficher la forme des tensions et courant consommés par un matériel donné. Voyons cela avec deux exemples.

La courbe du haut montre la tension 230V du secteur et la courbe du bas, l'intensité en ampères.

A gauche, une alimentation du siècle dernier, sans correction du facteur de puissance. A droite, une alimentation récente ou l'on peut voir les efforts faits pour se rapprocher de l'idéal, c'est à dire d'un courant sinusoïdal ET synchronisée avec la tension.

Car, filouterie supplémentaire : pour que PF = Cos(φ), il faut que courant et tension soient purement sinusoïdaux, qui est rarement le cas dans un appareil électronique qui engendre très souvent une déformation du courant. Dans l'exemple de gauche, le courant est parfaitement synchronisé avec la tension (cos(φ) = 1), mais n'est pas du tout sinusoïdal, donc le PF est inférieur à 1. A droite, il est quasiment sinusoidal, mais légèrement décalé par rapport à la tension (donc cos(φ)/PF != 1).

Résumé : Le calcul du Power Factor (PF) est la différence entre la puissance active et la puissance apparente. Il prend en compte le décalage temporel entre courant et tension AINSI QUE la déformation du courant par rapport à une sinusoïde pure.

L'intérêt d'un PF proche de 1 est multiple. Tout d'abord, cela permet de diminuer les pertes sur le réseau électrique, d’éviter l’échauffement des câbles et de réduire les besoins en termes d’onduleur, par exemple. Deux alimentations consommant exactement la même puissance active (disons 500 Watts) déchargeront un onduleur à une vitesse différent selon leur PF. Par exemple, avec un PF de 0.5, un onduleur de 1000 VA sera déchargé en 10 minutes contre 20 minutes pour un PF de 1. Bref, un Power Factor proche de 1 est gage d’un réseau électrique propre.

Ce que nous allons mesurer : Power Factor

Lors des tests d’alimentations, nous afficherons une image de la forme du courant consommé et nous mesurerons le Power Factor associé. A noter que le Power Factor varie aussi en fonction de la charge. C’est pourquoi nous mesurerons cette valeur avec une charge de 20%, 50% et 100% de la puissance nominale de l’alimentation.

 

  • Harmoniques

Encore un gros mot ! Comme nous l'avons vu plus haut, le Power Factor est également déterminé par la "forme" du courant consommé par rapport à une sinusoïde pure. La tension sinusoïdale du secteur est modulée avec une fréquence de 50 Hertz, c'est à dire qu'elle passe du positif au négatif 50 fois par seconde. Cette fréquence est dite « fréquence fondamentale  ». Mais dans le cas ou l’onde n’est pas parfaitement sinusoïdale, d’autres fréquences, multiples de la fréquence fondamentale, apparaissent. Pour une fréquence primaire (= harmonique de rang 1) de 50 Hz, l’harmonique de rang 2 a une fréquence de 100 Hz, l’harmonique de rang 3, de 150 Hz, ...etc.

Ces fréquences se superposent à la fréquence fondamentale et déforment le signal. Pour mieux comprendre, un petit dessin vaut mieux qu'un long discours :

La présence de nombreuses harmoniques est néfaste pour le réseau électrique et peut perturber d’autres appareils électriques à cause du rayonnement électromagnétique qu’il provoque. Des normes européennes ont d’ailleurs défini les courants harmoniques maximum admissibles (jusqu’au 39e rang) pour obtenir l’homologation. Dernier point : du aux caractéristiques du réseau électrique et des charges symétriques qui y sont connectées, seuls les harmoniques de rang impairs ont un sens et seront mesurés.

Mais comment mesurer les harmoniques d'un signal ? Certainement pas à l'aide d'outils standards puisque la décomposition du signal en primitive est une opération extrêmement complexe. Des appareils de mesures tel que le Fluke 43B existent pour cet usage, mais ils coutent plusieurs milliers d’euros. Il a donc fallu trouver une alternative efficace mais néanmoins précise pour mesurer ces harmoniques. Pour cela, nous avions conçu un mastodonte : le CPC Advanced Power Analyzer, basé autour d'un IQ Analyzer 6600 d'Eaton.

En Aout 2008, celui-ci a été remplacé par le CPC Advanced Power Analyzer V2, un instrument de mesure avancé entièrement conçu par nos soins et basé sur un Enerium 150 d'Enerdis, une filiale du constructeur français d'appareil de mesure Chauvin-Arnoux. A ce sujet, j'aimerais encore une fois remercier Anthony Rabine, ingénieur chez Enerdis, qui a très largement participé au projet en nous fournissant par exemple l'Enerdis ainsi qu'un firmware personnalisé avec le logo de Canard PC. Merci donc à ce bienfaiteur. Sans plus attendre, voyons donc le CPC APA V2 :

L'Enerium 150 offre une précision excellente (classe 0.5) et est capable de mesurer tous les paramètres possibles et inimaginables sur une ligne électrique : harmoniques (jusqu’au 50e rang), Power Factor, courant, tension, fréquence, THD, …etc. Grâce à son écran graphique, il peut afficher les harmoniques et toutes autres informations utiles. Mieux, une interface Ethernet permet de communiquer avec lui par le biais du réseau et du protocole industriel Modbus/TCP. Comme nous le verrons sur la page suivante, ceci nous permettra de construire un système de test entièrement automatisé, pilotable d'un PC. Nous avons intégré l'Enerium dans un boitier conçu sur mesure qui intègre deux sorties analogiques au format BNC, mais aussi divers connecteurs pour simplifier les mesures. L'intérieur est constitué de deux filtres secteurs (dont un imposant filtre très haut de gamme FN8060 de Schaffner) destiné à purifier totalement le signal électrique fourni à l'alimentation en test et d'un relais statique de puissance à triac. Celui-ci est destiné à couper l'alimentation électrique au moment précis ou l'onde secteur passe par 0V afin de mesurer les résistances aux microcoupures (voir plus loin). Enfin, un ventilateur de 92 cm silencieux complète l'ensemble..

 

Ce que nous allons mesurer : Harmoniques

Pour les tests d'harmoniques, nous chargerons les alimentations à 50% de leur capacité nominale et nous mesurerons les harmoniques de rangs 3, 5, 7 et 9 prioritairement, ainsi que les suivantes si les premières sont hors-normes. Nous nous assurerons aussi que les harmoniques générées ne dépassent pas les seuils fixés par l’union européenne. Enfin, nous testerons le THD ou « Total Harmonic Distortion » - Distorsion Harmonique Totale, qui  représente l’écart total entre le signal mesuré et une sinusoïde parfaite.