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Alimentations ATX 2009
Noname - 21xgx 360

Dans la jungle des alimentations, on trouve de tout : du bon, du mauvais et du pire. Surtout du pire. Pour trouver les modèles les plus infâmes, il faut se tourner vers les boitiers Noname avec alimentation intégrée, vendus à vil prix chez les assembleurs. Chez nos amis de Montgallet, grand spécialistes de l’importation made-in-china, on trouve ainsi ce type de boitiers sans marque, intégrants des « alimentations » de 360 Watts, pour moins de 25€. Or, ce type de boitier est très répandu pour les configurations à très bas prix.

Un test s’imposait donc car, chez CanardPC, on sait mettre sa fierté de coté et tester les détritus. Pour en savoir un peu plus sur ce type d’alimentation, il faut remonter à la source, et donc en Chine. Bonne nouvelle, grâce à notre récent voyage à Shanghai pour l’IDF, nous avons pu rencontrer quelques grossistes locaux et ramener dans nos bagages une de ces alimentations destiné aux boitiers les plus bas de gamme. Un mot sur leurs prix tout d’abord : 70 Yuan, soit un peu moins de 7 €. Un prix en rapport avec les 25€ évoqués plus haut. En grosse quantité (plus de 1000 pièces), notre interlocuteur nous a même affirmé pouvoir descendre sous les 5€. Reste maintenant à savoir ce que vaut une alimentation à 5€.

  • Caractéristiques

Le constructeur de cette alimentation est un sous-traitant chinois totalement inconnu au bataillon : 21xgx. Confirmation faite par l'exportateur local, le modèle testé ici est distribué sur le territoire français dans des boitiers vendus "avec alimentation 360 intégrée". A noter qu'on ne parle pas ici de "Watts", bien que le chiffre soit inscrit en gros sur l'étiquette comme on peut le voir ici :

 

Premier point, l'étiquette mentionne le logo CE, qui indique donc que le constructeur s'engage à ce que son produit soit conforme aux normes européennes. La présence de ce logo est obligatoire pour pouvoir vendre l'alimentation en Europe et, à fortiori, en France. Parlons maintenant des spécifications techniques. L’alimentation est capable de délivrer respectivement 14A, 15A et 10A sur les rails principaux, c'est-à-dire +3.3V, +5V et +12V. On obtient donc une puissance cumulée de 240 Watts, bien loin des 360 que laisse suggérer l’étiquette. Pire, vu que 70% de la puissance d’un PC récent est consommée sur le rail +12V, il serait plus honnête de dire qu’il s’agit d’une alimentation de 160 Watts. A peine suffisante pour un PC, même ultra-minimaliste. Autre chose : le rail +5 VSB n’est capable de délivrer que 2 Ampères alors que les normes ATX récentes demandent 2.5 Ampères.

Parlons maintenant des connecteurs disponibles. Comme vous pouvez vous en doutez, il n'y a pas foule :

Type
Nombre
Type
Nombre
x1
x1
x1
x1
x3

Avec seulement trois Molex et un seul connecteur SATA, on pourra connecter un disque dur et un lecteur DVD, la configuration "standard" pour les machines ultra low-cost auquel cette alimentation est destinée. De toute façon, inutile d'avoir plus de connecteurs : la puissance maximale est tellement faible qu'ils ne pourraient pas être utilisés.

 

  • Fonctionnement Interne

Extérieurement, la 21XGX 360 se limite au strict minimum : aucun interrupteur marche/arrêt, un ventilateur unique de 8 cm, quelques orifices d'aération et c'est tout. Il est donc inutile de s'attarder pour passer tout de suite à l'étude des composants internes. Petite gallerie commentée de ce véritable musée des horreurs :







 

Le moins que l'on puisse dire, c'est que le contenu de l'alimentation est plutôt maigre (1). Comme ses caractéristiques me direz-vous. Oui, mais quand même. Le refroidissement est assuré par deux petites plaques d’aluminium percé de quelques trous. Même comme radiateur de fortune, on a vu mieux. Le PCB, marqué ATX-320 (plus 360 ?), comprends vraiment le strict minimum puisqu'une grosse partie des composants n'est tout simplement pas implémenté (2). On cherche en vain les composants dédiés à la correction du facteur de puissance, sans succès. Niveau protection, seuls un fusible et une thermistance sont présent. Aucune protection contre la foudre ou les surcharges électrique n'est présente.

Voici l'étage d'entrée. Le pont de diode est conçu à l'aide de 4 diodes classiques, sans aucun refroidissement (3). Les deux condensateurs 200 Volts d'entrée (4) sont bien entendu made-in-china et n'offrent qu'une capacité dérisoire de 330 µF. Fait étrange : selon les datasheets du fabricants, ces modèles seraient exclusivement des condensateurs 100 Volts. On trouve ensuite les deux transistors de découpages (6) principaux ainsi qu'un transistor de découpage chargé du +5 VSB (5) qui fournissent le courant à leur transformateur respectif.

Le découpage est contrôlé par un circuit TL494 (7) vieux de presque 25 ans couplé à un simple comparateur Quad (un AZ339) dont la fonction principale est de gérer le PS_ON. En sortie du transformateur, comme en entrée, on trouve le minimum du minimum : trois diodes de rectification schottky de puissance (8), deux inductances et quelques condos minimalistes (9). De quoi faire du très mauvais.

 

  • Tests : AC & Efficacité

Nous l'avons vu plus haut, l'étiquette contient un logo CE qui devrait donc garantir cette alimentation conforme aux normes européennes. Il convient maintenant de vérifier ces allégations dans la pratique. Pour cela, nous allons commencer par vérifier que ce bloc contient bien un système de correction du facteur de puissance (PFC), obligatoire dans l’union européenne depuis le 1er Juillet 2001. Pour cela, comme décrit dans notre méthodologie, nous avons vérifié la forme du courant à l’oscilloscope, calculé le facteur de puissance et mesuré les harmoniques résiduelles sous différentes charges. Le moins que l’on puisse dire, c’est que nous n’avons pas été déçu :

C’est une évidence : aucun système de correction du facteur de puissance n’est présent dans cette alimentation, alors même qu’elle arbore le logo CE. Le PF est très mauvais, environ 0.6 alors que le minimum recommandé est de 0.9. La forme du courant drainé n’a pas grand-chose à voir avec une sinusoïde et en conséquence, les courants harmoniques dépassent très largement les normes européennes.

Passons maintenant aux tests d'efficacité :

Chargée à 20%, 50% puis 100%, la XGX 360 offre une efficacité de 66.2%, 76.3% et 73.8%, respectivement. Bien que c'est valeurs soient en dessous des efficacités recommandées, elles restent au dessus du minimum acceptable. A l’inverse, les valeurs relevées sur le +5 VSB sont catastrophiques, avec 3.2 Watts consommé côté 230V pour 500 mW restitué sur le +5VSB dans le pire des cas. En veille, cette alimentation gaspillera donc l’énergie.

 

  • Tests : Qualité du courant continu

Parlons maintenant de la qualité du courant délivré par l'alimentation et commençons par les tests de Ripple, c'est à dire par les micro-oscillations des tensions. Nous avons mesurés ces variations avec une charge de 500 mA puis de 10A sur les rails +12V et +5V. Voici les résultats :


Ripple +12V


Ripple +5V

 

Côté 12 Volts, on obtient des valeurs de 106 mV pic à pic en charge et 42 mV au repos pour un maximum autorisé de 120 mV. Limite, mais dans les normes. Côté 5 Volts par contre, c’est la bérézina. Avec 90 mV en charge pour un maximum de 50 mV autorisé, on est loin des normes. Même avec une charge minimale de 500 mA, on atteint les 49 mV sur ce rail. Dans la pratique, de telles instabilités réduisent nettement la durée de vie des condensateurs.

Passons maintenant au comportement lors des transitions brutales de charge.

Rail
0A -> 12A
12A -> 0A
+12V
10.10 V
12.96 V
+5V
4.84 V
5.49 V

Lors de fortes variations de courants, l'alimentation est incapable de maintenir les tensions dans des valeurs acceptables. Le +12V chute ainsi à 10.1 Volts, ce qui est nettement inférieur aux 10.8 Volts autorisés.

De même, une baisse soudaine du courant utilisé sur le rail +12V se traduit par une hausse de tension sur le rail +5V jusqu'a 5.49 Volts alors que celui-ci ne doit jamais dépasser les 5.25 Volts selon la norme ATX.

Autre probleme : les transitions sont très "longues" dans le sens ou le signal met quasiment 10 ms pour reprendre une forme correcte, ce qui est beaucoup trop long.


Transition 0A -> 12A - Rail +12V

Nous avons également testé les paramètres de mise en route. De ce côté, rien à signaler : l’alimentation fourni un signal PWR_OK environ 360ms après la mise sous tension, ce qui est dans la plage des 500 ms autorisés. Nous avons également mesuré un passage de 10% à 90% de la tension nominale des différents rails en 6-7 ms au démarrage, soit en dessous des 20 ms maximum.

 

  • Tests : Protections et Résistance

Reste maintenant à dire un mot sur les éventuelles protections dont dispose cette alimentation. Nous avons commencé par faire varier la tension du secteur de 180 VAC à 265 VAC. Surprise : avec une tension secteur de 265 VAC, la tension du rail +12V passe de 12.12V à 12.91V ! Dommage que nous n'aillions eu le temps de tester la réaction de l'alimentation avec notre générateur de surtension jusqu'a 600 Volts pour cause de mort prématurée.

Nous avons ensuite testé les protections en cas de courant trop élevés. Comme on peut s'en douter, l'alimentation n'intègre aucune limitation de courant et nous avons ainsi pu débiter 26A sur le rail +12V avant que l'alimentation ne s'éteigne automatiquement. Côté résistance aux microcoupures, c'est ici encore totalement insuffisant : comme on le voit sur cette capture à l'oscilloscope, le bloc ne tient que 10.8 ms après une coupure secteur alors qu'il devrait tenir au minimum 16 ms. La faute aux condensateurs d'entrée sous dimensionnés.

Mais gardons le meilleur pour la fin avec les tests de court-circuit. Comme on peut s'en douter, un court-circuit franc sur l'un des rails doit se traduire par la mise hors-tension immédiate de l'alimentation. Et bien pas avec la 21XGX 360. Si le bloc se met bien en "sécurité" en cas de court circuit sur le rail +12V, ce n'est pas le cas sur les rails +3.3V et +5V ! Lors d'un court-circuit sur le rail +5V, l'alimentation continue à débiter un courant qui atteint 45 Ampères en pointe. En moins de 10 secondes, les câbles commencent à fondre et une très forte odeur de plastique brulé se repend dans le laboratoire. Mais l'alimentation continue à tourner, jusqu'a ce que les pistes du PCB deviennent incandescent et finisse en court-circuit général.

 

Nous n'avons pas eu la chance de voir une flamme sortir de l'alimentation, mais cela aurait très bien pu être le cas. Un véritable scandale.

 

  • Conclusion

Que dire de ces "alimentations" à part qu'il est tout à fait scandaleux que de tels dangers ambulants puissent se trouver sur le marché ? Comment peut-on retrouver un logo CE sur une alimentation qui ne contient aucun PFC et qui est susceptible de mettre le feu à votre appartement à la moindre défaillance d'un de vos périphériques ? Et même sans penser au pire, les caractéristiques électriques de ce modèle sont tellement mauvaises qu'elles réduiront à coup sûr la durée de vie des composants d’un PC, sans même parler des nombreux plantages et autres instabilités qui surviendront.

En espérant que ce test ait permis de démontrer pourquoi il est important de choisir une alimentation correcte lors de l'ahat d’une nouvelle machine, fût-elle un modèle « premier prix ». Certes, il est peu probable que l’acheteur lambda s’intéresse un jour à la qualité de l’alimentation, mais on peut espérer que de tels abus entrainent un durcissement des normes internationales et surtout, un contrôle nettement plus poussé des produits mis sur le marché.