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VTech V.Smile Pro


Quand on parle de console, on pense immédiatement à Microsoft, Sony ou Nintendo. Depuis quelques mois, on peut aussi éventuellement penser aux ersatz de Wii vendus aux alentours de 30€ et qui embarquent un cœur de NES (8 bit) ou de Megadrive (16 bit). Pour rappel, nous avions testé l’une d'entre-elles en détail avant de l’asperger d’essence et d’y mettre le feu rageusement. Quoi qu’il en soit, peu d’entre vous connaissent ce quatrième larron, qui suit certes de loin les trois mastodontes cités plus haut, mais dont les consoles s’écoulent tout de même à 450.000 exemplaires par an. L’une des déclinaisons dispose même de capacités 3D relativement évoluées, d’un lecteur de disque optique et de tout un tas de jeux sous licences de studios hollywoodiens. Toujours pas d’idée ? Pourtant, il suffit d’aller faire une petite escapade sur eBay à la rubrique "jouets" ou de rentrer dans un Toys’r’us ou un JouéClub pour en trouver des rayons entiers.

Cette console, c’est la V.Smile Pro de VTech,  un produit « ludo-éducatif » destiné aux enfants de 6 à 11 ans. Oui, j’en vois déjà qui haussent les épaules et qui ricanent bêtement en se demandant ce que vient faire le test d’une telle chose sur Canard PC. Plusieurs réponses à cela : tout d’abord, il est très difficilement, voir absolument impossible de trouver sur Internet un test un peu évolué de ces consoles, pourtant vendues en masse et à un prix non négligeable (environ 100€). Or, nous avons pu constater grâce à d’anciens sondages que notre lectorat avait soit un âge mental en rapport avec celui visé par la V.Smile Pro, soit, au contraire, s’approchait de l’âge typique où le père consciencieux tente d’éviter à son rejeton de sombrer trop vite dans GTA : Vice City.
Plus prosaïquement, impossible non plus de connaitre le moindre détail sur l’architecture hardware qui se trouve au cœur de cette console puisque personne n’a, semble-t-il, jamais tenté d’en ouvrir une pour lui mettre les trippes à l’air. Or ça, chez Canard PC, on sait bien faire.

Avant que je ne sorte les scalpels et la planche à clous, laissez-moi vous dire quelques mots sur VTech. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, il ne s’agit pas d’une petite société insignifiante. Non. Avec un CA de plus de 1.5 milliards de dollars et 30.000 employés répartis sur toute la planète (soit dix fois plus que Nintendo), Vtech est une grosse boite. Son activité se divise pour 40% dans les jeux ludo-éducatifs et pour 40% dans les téléphones portables DECT, Skype, …etc. Les 20% restants étant consacrés à la production OEM pour des tiers. Vtech dispose actuellement de trois centres R&D au Canada et à Hong-Kong, le troisième étant situé avec les usines de production, en Chine.

La société revendique également la première place mondiale en termes de jouets « ludo-éducatifs, ce qu’on ne contestera pas tant l’omniprésence de la marque dans les enseignes de jeux pour enfants est évidente.

 

  • La console

Vtech dispose d’une large gamme de produits conçus pour les enfants de 6 mois à 12 ans. On trouve ainsi la V.Smile Baby, jusqu’à 3 ans, la V.Smile tout court, de 3 à 6 ans et enfin la V.Smile Pro, plus adaptée aux lecteurs de Canard PC puisqu’elle est destinées aux enfants de 6 à 12 ans. Contrairement aux modèles antérieurs de V.Tech, qui utilisaient un processeur central de très faible puissance et des cartouches embarquant une ROM comme support, la V.Smile Pro se distingue par des prétentions « 3D » et par un support CD plus moderne. De 20 ans de retard sur les consoles actuelles, on passe donc à 10. Voyons tout cela de plus prés, en photo :

 

 

 

 

 

Extérieurement, la V.Smile Pro ne paye pas de mine, bien que sa qualité de  fabrication soit incomparablement meilleure que les ersatz de consoles vendus à vil prix dans les supermarchés.  La console dispose des classiques boutons marche, arrêt et reset, mais aussi des classiques boutons de contrôle de lecture d’un CD Audio. On y trouve aussi deux ports (propriétaires) pour manette de jeu, une sortie casque, une entrée micro ainsi qu’un slot « Mémoire » pour sauvegarder l’état de ses parties.  En sortie, point ici de Full HD puisqu’on trouvera une unique sortie composite en plus des deux RCA audio. La V.Smile Pro est alimentée par un transformateur externe 9V / 1.2A, soit une consommation maximale qui ne devrait pas excéder une dizaine de watts.

Bien que le support physique des jeux soit un CD à première vue classique, celui-ci est encapsulé dans un boitier plastique :

 

 

Ce procédé a pour but de protéger le média des agressions extérieures. Comprenez : « pour protéger le média des rayures, griffures et autres lacérations profondes causées par un marmot peu soigneux, turbulent ou atteint du syndrome Gilles de la Tourette».  Aucune partie du disque n’est donc accessible de l’extérieur, à la manière des MD de Sony. Comme la console n’est conçue pour n’accepter que ce type de support physique (la lentille du lecteur CD n’est pas non plus visible à l’ouverture du capot), V.Tech fournit un support « vierge » dans lequel on peut insérer un CD Audio pour le lire dans la console.

Bref, la V.Smile Pro semble suffisamment robuste pour résister à un enfant, voir à un préado. Un bon point.

 

  • Les jeux

Il est maintenant temps de parler des jeux. Actuellement, bien que la console soit disponible depuis plus d'un an, on n'en compte toujours qu'une petite dizaine, ce qui est franchement peu, vous en conviendrez. De plus, la majorité sont des licences Disney comme Cars, SpiderMan ou les Indestructibles. Les petites filles devront se contenter de seulement deux jeux : Bratz et Disney Princess. Avec notre console de test, nous avons reçu Scooby Doo : Les civilisations perdues et Cars. De quoi se livrer à un petit test rapide.

Tous les jeux VTech sont architecturés de la même manière. C'est-à-dire que quel que soit le jeu, vous retrouvez toujours les trois modes : « Parcours Aventure », pour jouer, « Monde du Savoir », pour les informations « éducatives » en rapport avec le jeu et enfin « Atelier Création » pour personnaliser son avatar, sa voiture, …etc. Premier tour de piste avec Cars :

 

 

A gauche, le « Monde du Savoir », à droite, le « Parcours Aventure ». Dans les deux cas, c’est graphiquement très laid. La course de voiture est franchement d’un niveau graphique dépassé, soit à peu prés l’équivalent d’une Nintendo 64. Le son n’est pas mauvais, mais toutes les actions du personnage sont commentées par une voix toute droite sortie d’un DVD d’apprentissage du code de la route, ce qui devient vite très agaçant. Malgré tout, on peut imaginer qu’un enfant de 6-8 ans puisse se contenter d’une telle course de voiture, même si l’aspect ludique est souvent interrompu par de pseudo-exercices mathématiques et géométriques ultra-répétitifs. Lors de la première course, d’une durée de seulement 26 secondes, on a ainsi droit à pas moins de trois coupures « exercices » identiques…

La vraie déception vient de la caution « éducative » en elle-même, symbolisée par le fameux « Monde du Savoir ». Dans Cars, l’enfant est ainsi censé étudier le fonctionnement d’une voiture, son fonctionnement, ainsi que les différents types de véhicules utilitaires type camion de pompier.  Le moins que l’on puisse dire est que les descriptions sont minimalistes. Exemple : Les camions de pompiers – Les pompiers se déplacent avec leur camion, qui transporte également leur équipement.  Certes. Mais le pire est à venir : chaque changement d’écran se traduit par un chargement épouvantablement long, d’environ 5 à 10 secondes. La navigation dans les différentes fiches « éducatives » devient vite un vrai supplice tant l’omniprésence des écrans de chargements est insupportable.  

Changement de jeu.

 

 

Avec Scooby Doo, c’est cette fois les civilisations anciennes que VTech propose de faire découvrir. Hélas, le jeu est visiblement issu du même moule que Cars puisque les mêmes défauts font vite leurs apparitions : fiches éducatives franchement limitées, chargements intempestifs et graphisme « 3D » à la limite du tolérable. Je n’ose imaginer la réaction de mes illustres collèges du bureau d’en face s’ils découvraient une telle chose sur nos PC conventionnels.

Bref, les jeux sont peu nombreux et d’une qualité très insuffisantes au regard du prix affiché : entre 25 et 30€ pièce. Ceux qui doutent encore n’auront qu’à se faire un avis par eux même avec les vidéos ci-dessus.

 

  • Vivisection

Passons maintenant à la dissection à proprement parler afin de voir ce que cette console à dans le ventre. Car aussi étrange que cela puisse paraitre, il s’agit de la seule console disposant d’un lecteur CD dont les trippes ne sont pas exposées un peu partout sur le Net. Raisons de plus pour sortir les scalpels, voir la tronçonneuse, car la VTech ne se laisse pas violer si facilement : aucune vis n’apparait sur la console et l’ouverture de la chose est un vrai challenge… heureusement résolu sans problème pour un expert de Canard PC. Au premier coup d’œil, l’assemblage est plutôt propre, mais la console continue de cacher ses secrets sous d’imposants blindages :

 


V.Smile Pro complète


V.Smile Pro : lecteur CD - bloc optique

 

La console comporte plusieurs PCB et une importante partie mécanique chargée de faire fonctionner le support d'éjection/insertion du lecteur CD. Outre les deux importants PCB principaux (tout deux surmontés d'un blindage total), on trouve plusieurs PCB secondaires :

 


Lecteur CD - Bloc optique


Gestion des entrées/sortie audio


Carte mémoire & manettes

 

Une fois débarrassé des fils et nappes de câbles superflus, on peut plus aisément observer certains éléments de la console. On constate ainsi que l’alimentation fournie par le bloc secteur +9V n’est quasiment pas filtrée par la console mais que les systèmes de protection basique sont bien présent (fusible + diode contre l’inversion de polarité).  Côté son, le minuscule potentiomètre qui fait office de réglage du volume fait un peu cheap … tout comme les condensateurs Made-in-China !

 


Jacks & Volume Micro-casque


Dispatch alimentation


PCB principaux - Dos

 

Par contre, toujours aucune information sur ce qui nous intéresse vraiment, c'est-à-dire le cœur de la console. Tous les composants principaux semblent bien cachés sous d’épais blindages dont l’utilité pratique ne nous semble pas franchement évidente. VTech chercherait-il à cacher les puces utilisées aux yeux des indiscrets ? Peine perdue : après quelques minutes au fer à souder, le premier PCB se dévoile. Il s’agit d’un chip contrôleur de disque Sony CXD3059AR :

 

 

Ce composant gère l’intégralité de l’interface avec le bloc optique et avec les servos qui contrôlent la tête de lecture. Toutefois, à la lecture du datasheet, on s’aperçoit vite qu’on est ici en présence d’un contrôleur destiné principalement aux lecteurs de CD Audio et non à lire des CD-ROM de données. Si cette fonctionnalité est bien sur supportée par le chip, celui bridera la vitesse à 4X, soit 900 Ko/s seulement. De quoi expliquer les très longs chargements dans les jeux de la V.Smile Pro. Ce PCB est connecté directement au PCB qui embarque le CPU par le biais d’un câble en nappe blindé. Quelques coups de fer à souder plus tard, on accède enfin au cœur de la console.

 

 

Le processeur principal qui anime la V.Smile Pro est donc un ZEVIO de LSI. Ce processeur destiné aux applications embarquées a été annoncé tout début 2006 et visiblement adopté par VTech dans la foulée. Mi-2007, LSI a revendu toute sa division grand public incluant la technologie ZEVIO à un autre fabricant, spécialisé dans les puces pour lecteurs DVD évolués, Magnum Semiconductor. En cherchant un peu, il est toutefois encore possible de trouver des informations sur l’architecture ZEVIO, et tout particulièrement sur la déclinaison « 1020 » présente dans la console :

 

 

Le ZEVIO 1020 est en fait une puce qui embarque plusieurs cœurs au sein d’un même package. Comme processeur central, on trouve ainsi un ARM926EJ-S cadencé à 150 MHz et équipé d’un cache de donnée de 8 Ko et d’instructions de 16 Ko. Ce cœur est très courant puisqu’on le retrouve dans la Wii de Nintendo ainsi que dans un grand nombre de téléphone portable comme la N-Gage 2 de Nokia. Le ZEVIO 1020 intégré également un DSP ZSP400 de LSI (cadencé à 150 MHz et accompagné de 240 Ko de SRAM) chargé de la compression/décompression des flux audio (MP3, …etc.) et vidéo (MPG4, H.264, …etc.). On trouve ensuite les unités de rendu 2D et 3D. Côté 2D, le chip supporte le scrolling et l’alpha blending en hardware. En 3D, le T&L est au programme et les performances sont annoncées à 1.5 million de polygones par seconde à la fréquence nominale de 75 MHz, soit 5 fois plus que la première Playstation.


On trouve aussi au sein du ZEVIO 1020 un contrôleur audio capable de supporter 64 voix simultanément, des effets 3D et une table son MIDI, une interface mémoire SDRAM à 150 MHz, un contrôleur SDIO (pour périphérique compatible comme les cartes SD), et de nombreuses interfaces vers des écrans LCD (résolution max 640x480, des sorties TV en composite PAL/NTSC ou même YUV.

Dans la V.Smile Pro, ce processeur est associé à 16 Mo de mémoire vive SDRAM à 150 MHz (puce Samsung K4S281632I-UC60) et utilise une mémoire Flash de 2 Mo (puce AMIC A29L160ATV-70F).

Maintenant que nous savons tout du hardware de cette console, reste à parler du media. A première vue, il s’agit d’un simple CD-ROM encapsulé dans un boitier en plastique. Pour en avoir le cœur net, nous l’avons extrait de sa protection et tenté de le lire avec un simple lecteur. Coup de bol, le CD est reconnu comme n’importe quel CD-ROM et son contenu est accessible via l’explorateur de Windows :

 

 

Le CD contient plusieurs dossiers : les programmes sous forme de fichiers .VFF dans \APPxx, les ressources (photo, video en MJPEG et sons en .WAV) dans \KWxx et enfin, les informations de boot dans le dossier {page_content}SYSTEM. On trouve d’ailleurs dans ce dernier un fichier « BOOT.BIN » qu’on peut explorer plus avant. On trouve rapidement une mention de « µMORE v4.0 SDK ARM9T version Copyright(C) 1997-2004 by ACCESS Co.,Ltd. ». Un petit tour sur le net nous apprend qu’il s’agissait d’un des principaux partenaires de LSI lors de la conception du ZEVIO, chargé de concevoir un petit OS embarqué temps réel.  

Précisons enfin que nous avons pu effectuer une copie de sauvegarde du CD sans aucun problème, la console le reconnaissant sans problème pour peu qu’il soit utilisé avec sa coque en plastique d’origine ou qu’on utilise le support CD Audio en obturant un petit capteur. VTech n’a donc visiblement pas intégré de système de protection à ses jeux.

 

  • Conclusion

Voilà sans nul doute une plongée intéressante dans le monde d’une console très peu connue bien que massivement distribuée. Décortiquée comme il se doit, la V.Smile Pro de VTech n’a désormais plus de secret pour nous. D’un point de vue matériel, les choix effectués par VTech semblent pertinents : architecturée autour d’un processeur « tout-en-un » regroupant en un seul composant un processeur ARM9 à 150 MHz (comme celui de la Wii), un circuit de gestion 3D raisonnablement performant et tous les contrôleurs de communications annexes nécessaires au fonctionnement d’une telle console, la V.Smile Pro avait techniquement tout pour offrir une bonne expérience ludique et éducative.

Oui mais voila, côté développement, le résultat est catastrophique. Le nombre de jeux disponibles (moins d’une dizaine) limite fortement le potentiel de la console mais en plus, ceux-ci sont tellement mauvais qu’ils risquent de vite lasser le plus obstiné des enfants. Passons sur les graphismes « 3D » franchement mauvais, sur les innombrables écrans de chargements anémiques et sur les nombreuses lourdeurs dans l’alternance jeux/questions pour se concentrer sur l’essentiel : l’aspect « éducatif ». Soyons clair : sans être exagérément qualifié en éducation des 6-11 ans, le contenu éducatif des jeux est bien maigre, spécialement au regard du prix élevé d’un tel jeu (25€) et de la console (80€).  

Bref, la V.Smile Pro n’a, selon nous, pas grand intérêt, mais vu qu’à l’heure ou nous écrivons ces lignes, il n’existe aucun autre test indépendant, il est bon de le signaler. Les parents soucieux d’éduquer leurs enfants un joypad à la main pourront aisément se rabattre sur les nombreux logiciels éducatifs pour PC, et, à partir de 8 ans, sur l’un des nombreux sites web destinés à instruire gratuitement les enfants, comme Vikidia ou le site de la Star Ac’. A bon entendeur…